S. f. (Morale) la justice en général est une vertu qui nous fait rendre à Dieu, à nous-mêmes, et aux autres hommes ce qui leur est dû à chacun ; elle comprend tous nos devoirs, et être juste de cette manière, ou être vertueux, ne sont qu'une même chose.

Ici nous ne prendrons la justice que pour un sentiment d'équité, qui nous fait agir avec droiture, et rendre à nos semblables ce que nous leur devons.

Le premier et le plus considérable des besoins étant de ne point souffrir de mal, le premier devoir est de n'en faire aucun à personne, surtout dans ce que les hommes ont de plus cher ; savoir, la vie, l'honneur et les biens. Ce serait contrevenir aux droits de la charité et de la justice, qui soutiennent la société ; mais en quoi précisément consiste la distinction de ces deux vertus ? 1°. On convient que la charité et la justice tirent également leur principe, de ce qui est dû au prochain ! à s'en tenir uniquement à ce point, l'une et l'autre étant également dû.s au prochain, la charité se trouverait justice, et la justice se trouverait aussi charité. Cependant, selon les notions communément reçues, quoiqu'on ne puisse blesser la justice sans blesser la charité ; on peut blesser la charité sans blesser la justice. Ainsi quand on refuse l'aumône à un pauvre qui en a besoin, on n'est pas censé violer la justice, mais seulement la charité ; au lieu que de manquer à payer ses dettes, c'est violer les droits de la justice, et en même temps ceux de la charité.

2°. Tout le monde convient que les fautes ou péchés contre la justice, exigent une réparation ou restitution ; à quoi n'obligent pas les péchés ou fautes contre la charité ? Sur quoi l'on demande si l'on peut jamais blesser la charité sans faire tort au prochain ; et pourquoi l'on ne dit pas en général qu'on est obligé de réparer tout le mal qu'on lui a fait, et tout le bien qu'on aurait dû lui faire.

On répond communément qu'on ne fait tort au prochain qu'en des choses auxquelles il a droit ; mais c'est remettre la même difficulté sous un autre terme. En effet, on demandera s'il n'a pas droit d'attendre qu'on fasse à son égard le bien qu'on lui doit, et qu'on s'abstienne du mal qu'on ne lui doit pas faire ? Qu'est-ce donc que le droit du prochain ; et comment arrive-t-il qu'en blessant le prochain par les fautes qui sont contre la charité, et par celles qui sont contre la justice, on ne blesse point son droit dans les unes, et qu'on le blesse dans les autres ? voici là-dessus quelques pensées qui semblent conformes aux droits de la société.

Par-tout où le prochain est offensé, et où l'on manque de faire à son égard ce que l'on aurait dû. soit qu'on appelle cette faute contre la charité ou contre la justice, on lui fait tort : on lui doit quelque réparation ou restitution ; que si on ne lui en doit aucune, on n'a en rien intéressé son droit : on ne lui a fait aucun tort ; de quoi se plaint-il, et comment est-il offensé ?

Rappelons toutes les fautes qu'on a coutume de regarder comme opposées à la charité, sans les supposer contraires à la justice. Une mortification donnée sans sujet à quelqu'un, une brusquerie qu'on lui aura faite, une parole desobligeante qu'on lui aura dite, un secours, un soulagement qu'on aura manqué de lui donner dans un besoin considérable ; est-il bien certain que ces fautes n'exigent aucune réparation ou restitution ? On demande ce qu'on lui restituerait, si on ne lui a ôté ni son honneur, ni son bien : mais ces deux sortes de bien sont subordonnés à un troisième plus général et plus essentiel, savoir la satisfaction et le contentement. Car si l'on pouvait être satisfait en perdant son honneur et son bien, la perte de l'un et de l'autre cesserait en quelque sorte d'être un mal. Le mal qu'on fait au prochain consiste donc en ce qui est de contraire à la satisfaction et au contentement légitime, à quoi il pouvait prétendre ; et quand on l'en prive contre les droits de la société humaine, pourquoi ne serait on pas obligé à lui en restituer autant qu'on lui en a ôté ?

Si j'ai manqué à montrer de la déférence et de la complaisance à qui je l'aurais dû. c'est lui restituer la satisfaction dont je l'ai privé mal-à-propos, que de le prévenir dans les choses qu'il pourrait une autre fois attendre de moi. Si je lui ai parlé avec hauteur ou avec dédain, avec un air brusque ou emporté ; je réparerai le désagrément que je lui ai donné, en lui parlant dans quelqu'autre occasion avec plus de douceur et de politesse qu'à l'ordinaire. Cette conduite étant une juste réparation, il semble qu'il ne la faudrait refuser à qui que ce sait, et qu'on la doit faire au moins d'une manière tacite.

Par le principe que nous venons d'établir, on pourrait éclaircir peut-être une question qui a été agitée au sujet d'un homme qui avait été attaqué et blessé injustement par un autre. Il demande une somme d'argent pour dédommagement et pour se désister des poursuites qu'il intentait en justice. L'aggresseur donna la somme convenue pour un accommodement, sans lequel il lui en aurait couté beaucoup plus ; et c'est ce qui fit un sujet de dispute entre d'habiles gens. Quelques-uns soutinrent que le blessé ayant reçu au-delà de ce qui était nécessaire pour les frais de sa guérison, il devait rendre le surplus de l'argent reçu. Mais est-il dédommagé, demandaient les autres, du tort qu'il a souffert dans sa personne par la douleur, l'ennui et la peine de la maladie ; et cela ne demande-t-il nulle réparation ? Non, disaient les premiers : ces choses là, non plus que l'honneur, ne sont point estimables par argent. Cependant, repliquait-on, les droits de la société semblent exiger qu'on repare un déplaisir par quelque sorte de satisfaction que ce puisse être. En effet qu'on ne doive jamais réparer le tort causé au prochain dans son honneur, par une satisfaction simplement pécuniaire ; c'est un principe qui n'est peut-être pas si évident. Il est vrai qu'à l'égard des personnes distinguées dans le monde, ils ne mettent rien en comparaison avec l'honneur ; mais à l'égard des personnes du peuple, pour qui les besoins de la vie sont ordinairement plus intéressants qu'un peu de réputation ; si après avoir diminué injustement la leur, on se trouvait dans l'impossibilité de la reparer, et qu'on put contenter la personne lezée par une satisfaction pécuniaire, pourquoi ne s'en pourrait-il pas faire une compensation légitime entre les deux parties ?

La chose semble plus plausible encore par rapport à la douleur corporelle ; si on pouvait ôter la douleur et la maladie causées injustement, on serait indubitablement obligé de le faire, et à titre de justice ; or ne pouvant l'ôter, on peut la diminuer et l'adoucir, en fournissant au malade lezé de quoi vivre un peu plus à son aise, de quoi se nourrir mieux, et se procurer certaines commodités qui sont des réparations de la douleur corporelle. Or il faut réparer en toutes les manières possibles la peine causée sans raison au prochain, pour lui donner autant de satisfaction qu'on lui a causé de déplaisir. C'est aux savants à décider ; il suffit d'avoir fourni des réflexions qui pourront aider la décision.

On propose ordinairement plusieurs divisions de la justice ; pour en dire quelque chose, nous remarquerons :

1°. Que l'on peut en général diviser la justice en parfaite ou rigoureuse, et imparfaite ou non rigoureuse. La première est celle par laquelle nous nous acquittons envers le prochain de tout ce qui lui est dû. en vertu d'un droit parfait et rigoureux, c'est-à-dire dont il peut raisonnablement exiger l'exécution par la force, si l'on n'y satisfait pas de bon gré. La seconde est celle par laquelle on rend à autrui les devoirs qui ne lui sont dû. qu'en vertu d'une obligation imparfaite et non rigoureuse, qui ne peuvent point être exigés par les voies de la contrainte, mais dont l'accomplissement est laissé à l'honneur et à la conscience d'un chacun. 2°. L'on pourrait ensuite subdiviser la justice rigoureuse en celle qui s'exerce d'égal à égal, et celle qui a lieu entre un supérieur et un inférieur. Celle-là est d'autant de différentes espèces, qu'il y a de devoirs qu'un homme peut exiger à la rigueur de tout autre homme, considéré comme tel, et un citoyen de tout autre citoyen du même état. Celle-ci renfermera autant d'espèces qu'il y a de différentes sociétés, où les uns commandent, et les autres obéissent.

3°. Il y a d'autres divisions de la justice, mais qui paraissent peu précises et de peu d'utilité. Par exemple celle de la justice universelle et particulière, prise de la manière que Puffendorf l'explique semble vicieuse, en ce que l'un des membres de la division se trouve enfermé dans l'autre.

La subdivision de la justice particulière en distributive et permutative, est incomplete , puisqu'elle ne renferme que ce que l'on doit à autrui en vertu de quelque engagement où l'on est entré, quoiqu'il y ait plusieurs choses que le prochain peut exiger de nous à la rigueur, indépendamment de tout accord et de toute convention.

JUSTICE, (Littérature) déesse allégorique du paganisme : les Grecs ont divinisé la justice sous le nom de Dicé et d'Astrée ; les Romains en ont fait une divinité distinguée de Thémis, et l'empereur Auguste lui bâtit un temple dans Rome.

On la peignait ainsi qu'Astrée, en vierge, d'un regard sévère, joint à un certain air de fierté et de dignité ; qui inspirait le respect et la crainte.

Les Grecs du moyen âge la représentèrent en jeune fille, assise sur une pierre carrée, tenant une balance à la main, et de l'autre une épée nue, ou faisceau de haches entourées de verges, pour marquer que la justice pese les actions des hommes, et qu'elle punit également comme elle récompense.

Elle était aussi quelquefois représentée le bandeau sur les yeux, pour montrer qu'elle ne voit et n'envisage ni le rang, ni la qualité des personnes. Les Egyptiens faisaient ses statues sans tête, voulant signifier par ce symbole, que les juges devaient se dépouiller de leur propre sentiment, pour suivre la décision des lais.

Hésiode assure que la justice fille de Jupiter, est attachée à son trône dans le ciel, et lui demande vengeance, toutes les fois qu'on blesse les lois et l'équité. Voyez ASTREE, DICE, THEMIS.

Aratus dans ses phénomènes, peint d'un style mâle la justice déesse, se trouvant pendant l'âge d'or dans la compagnie des mortels de tout sexe et de toute condition. Déja pendant l'âge d'argent, elle ne parut que la nuit, et comme en secret, reprochant aux hommes leur honteuse dégénération ; mais l'âge d'airain la contraignit par la multitude des crimes, à se retirer dans le ciel, pour ne plus descendre ici-bas sur la terre. Ce dernier trait me fait souvenir du bon mot de Bautru, à qui l'on montrait un tableau, dans lequel pour exprimer le bonheur dont la France allait jouir, on avait peint la Justice et la Paix qui s'embrassaient tendrement : " ne voyez-vous pas, dit-il à ses amis, qu'elles se disent un éternel adieu " ? (D.J.)

JUSTICE, (Jurisprudence) est une des quatre vertus cardinales : on la définit en droit une volonté ferme et constante de rendre à chacun ce qui lui appartient.

On la divise en deux espèces : justice commutative, et justice distributive. Voyez ci-après JUSTICE COMMUTATIVE, etc.

Le terme de justice se prend aussi pour la pratique de cette vertu ; quelquefois il signifie bon droit et raison ; en d'autres occasions, il signifie le pouvoir de faire droit à chacun, ou l'administration de ce pouvoir.

Quelquefois encore justice signifie le tribunal où l'on juge les parties, et souvent la justice est prise pour les officiers qui la rendent.

Dans les siècles les moins éclairés et les plus corrompus, il y a toujours eu des hommes vertueux qui ont conservé dans leur cœur l'amour de la justice, et qui ont pratiqué cette vertu. Les sages et les philosophes en ont donné des préceptes et des exemples.

Mais soit que les lumières de la raison ne soient pas également étendues dans tous les hommes, soit que la pente naturelle qu'ils ont pour la plupart au vice, étouffe en eux la voix de la raison, il a fallu employer l'autorité et la force pour les obliger de vivre honnêtement, de n'offenser personne, et de rendre à chacun ce qui lui appartient.

Dans les premiers temps de la loi naturelle, la justice était exercée sans aucun appareil par chaque père de famille sur ses femmes, enfants et petits-enfants, et sur ses serviteurs. Lui seul avait sur eux le droit de correction : sa puissance allait jusqu'au droit de vie et de mort ; chaque famille formait comme un peuple separé, dont le chef était tout-à-la-fais le père, le roi et le juge.

Mais bien-tôt chez plusieurs nations on éleva une puissance souveraine au-dessus de celle des pères ; alors ceux-ci cessèrent d'être juges absolus comme ils l'étaient auparavant à tous égards. Il leur resta néanmoins toujours une espèce de justice domestique, mais qui fut bornée au droit de correction plus ou moins étendu, selon l'usage de chaque peuple.

Pour ce qui est de la justice publique, elle a toujours été regardée comme un attribut du souverain ; il doit la justice à ses sujets, et elle ne peut être rendue que par le prince même, ou par ceux sur lesquels il se décharge d'une partie de cette noble et pénible fonction.

L'administration de la justice a toujours paru un objet si important, que dès le temps de Jacob le gouvernement de chaque peuple était considéré comme une judicature. Dan judicabit populum suum, dit la Genèse, ch. xlix.

Moïse, que Dieu donna aux Hébreux pour conducteur et pour juge, entreprit d'abord de remplir seul cette fonction pénible ; il donnait audience certains jours de la semaine, depuis le matin jusqu'au soir, pour entendre tous ceux qui avaient recours à lui ; mais la seconde année se trouvant accablé par le grand nombre des affaires, il établit, par le conseil de Jethro, un certain nombre d'hommes sages et craignans Dieu, d'une probité connue, et surtout ennemis du mensonge et de l'avarice, auxquels il confia une partie de son autorité.

Entre ceux qu'il choisit pour juges, les uns étaient appelés centurions, parce qu'ils étaient préposés sur cent familles ; d'autres quinquagenarii, parce qu'ils n'étaient préposés qu'à cinquante ; d'autres decani, qui n'étaient que sur dix familles. Ils jugeaient les moindres affaires, et devaient lui référer de celles qui étaient plus importantes, qu'il décidait avec son conseil, composé de soixante-dix des plus anciens, appelés seniores et magistri populi.

Lorsque les Juifs furent établis dans la Palestine, les tribunaux ne furent plus réglés par familles : on établit dans chaque ville un tribunal supérieur composé de sept juges, entre lesquels il y en avait toujours deux lévites ; les juges inférieurs, au lieu d'être préposés comme auparavant sur un certain nombre de familles, eurent chacun l'intendance d'un quartier de la ville.

Depuis Josué jusqu'à l'établissement des rais, le peuple juif fut gouverné par des personnages illustres, que l'Ecriture-sainte appelle juges. Ceux-ci n'étaient pas des magistrats ordinaires, mais des magistrats extraordinaires, que Dieu envoyait, quand il lui plaisait, à son peuple, pour le délivrer de ses ennemis, commander les armées ; et en général pour le gouverner. Leur autorité était en quelque chose semblable à celle des rais, en ce qu'elle leur était donnée à vie, et non pas seulement pour un temps. Ils gouvernaient seuls et sans dépendance, mais ils n'étaient point héréditaires ; ils n'avaient point droit absolu de vie et de mort comme les rais, mais seulement selon les lais. Ils ne pouvaient entreprendre la guerre que quand Dieu les envoyait pour la faire, ou que le peuple le désirait. Ils n'exigeaient point de tributs et ne se succédaient pas immédiatement. Quand un juge était mort, il était libre au peuple de lui donner aussi-tôt un successeur ; mais on laissait souvent plusieurs années d'intervalle. Ils ne portaient point les marques de sceptre ni de diadème, et ne pouvaient faire de nouvelles lois, mais seulement faire observer celles de Moïse : en sorte que ces juges n'avaient point de pouvoir arbitraire.

On les appela juges apparemment parce qu'alors juger ou gouverner selon les lois était réputé la même chose. Le peuple hébreu fut gouverné par quinze juges ; depuis Othoniel, qui fut le premier, jusqu'à Héli, pendant l'espace de 340 années, entre lesquelles quelques-uns distinguent les années des juges, c'est-à-dire de leur judicature ou gouvernement, et les années où le peuple fut en servitude.

Le livre des juges est un des livres de l'Ecriture-sainte qui contient l'histoire de ces juges. On n'est pas certain de l'auteur ; on croit que c'est une collection tirée de différents mémoires ou annales par Esdras ou Samuel.

Les Espagnols donnaient aussi anciennement le titre de juges à leurs gouverneurs, et appelaient leur gouvernement judicature.

On s'exprimait de même en Sardaigne pour désigner les gouverneurs de Cagliari et d'Oristagne.

Ménés, premier roi d'Egypte, voulant policer ce pays, le divisa en trois parties, et subdivisa chacune en dix provinces ou dynasties, et chaque dynastie en trois juridictions ou nomos, en latin praefecturae : chacun de ces sièges était composé de dix juges, qui étaient présidés par leur doyen. Ils étaient tous choisis entre les prêtres, qui formaient le premier ordre du royaume. Ils connaissaient en première instance de tout ce qui concernait la religion, et de toutes autres affaires civiles ou criminelles. L'appel de leurs jugements était porté à celle des trois nomos ou juridictions supérieures de Thebes, Memphis ou Héliopolis, dont ils relevaient.

Chez les Grecs les juges ou magistrats avaient en même temps le gouvernement. Les Athéniens choisissaient tous les ans cinq cent de leurs principaux citoyens dont ils formaient le sénat qui devait gouverner la république. Ces cinq cent sénateurs étaient divisés en dix classes de cinquante chacune, qu'ils nommaient prytanes ; chaque prytane gouvernait pendant un dixième de l'année.

Pour l'administration de la justice, ils choisissaient au commencement de chaque mois, dans les neuf autres prytanes, neuf magistrats qu'ils nommaient archontes : on en tirait trois au sort pour administrer la justice pendant le mois ; l'un pour présider aux affaires ordinaires des citoyens, et pour tenir la main à l'exécution des lois concernant la police et le bien public ; l'autre avait l'intendance sur tout ce qui concernait la religion ; le troisième avait l'intendance de la guerre, connaissait de toutes les affaires militaires et de celles qui survenaient à cette occasion entre les citoyens et les étrangers. Les six autres archontes servaient de conseil à ces premiers.

Il y avait d'autres juges inférieurs qui connaissaient de différentes matières, tant civiles que criminelles.

Le tribunal souverain établi au-dessus de tous ces juges, était l'aréopage : il était composé des archontes sortis de charge : ces juges étaient perpétuels : leur salaire était égal et payé des deniers de la république. On donnait à chacun d'eux, trois oboles pour une cause. Ils ne jugeaient que la nuit, afin d'être plus recueillis, et qu'aucun objet de haine ou de pitié ne put surprendre leur religion.

Les juges ou magistrats de Lacédémone étaient tous appelés , dépositaires et gardiens de l'exécution des lais. Ils étaient divisés en deux ordres ; l'un supérieur, qui avait inspection sur les autres, et les juges intérieurs, qui étaient seulement préposés sur le peuple pour le contenir dans son devoir par l'exécution des lais. Quelques-uns des juges inférieurs avaient chacun la police d'un quartier de la ville. On commit aussi à quelques-uns en particulier certains objets ; par exemple, l'un avait l'inspection sur la religion et les mœurs ; un autre était chargé de faire observer les lois somptuaires sur le luxe des habits et des meubles, sur les mœurs des femmes, pour leur faire observer la modestie et réprimer leurs débauches ; d'autres avaient inspection sur les festins et sur les assemblées ; d'autres, sur la sûreté et la tranquillité publiques, sur les émotions populaires, les vices, assemblées illicites, incendies, maisons qui menaçaient ruine, et ce qui pouvait causer des maladies populaires ; d'autres visitaient les marchés publics, étaient chargés de procurer l'abondance, d'entretenir la bonne foi dans le commerce ; d'autres, enfin, avaient inspection sur les poids et mesures. On peut tirer de-là l'origine des juges d'attribution, c'est-à-dire de ceux auxquels la connaissance de certaines matières est attribuée.

Les premiers juges ou magistrats des Romains furent les senateurs qui rendirent la justice avec les rais, et ensuite avec les consuls qui succédèrent aux rais. Ils ne connaissaient point des matières criminelles ; le roi ou les consuls les renvoyaient au peuple, qui les jugeait dans ses assemblées. On les renvoyait à des commissaires ; le préfet de la ville rendait la justice en l'absence du roi ou des consuls.

On établit ensuite deux questeurs pour tenir la main à l'exécution des lais, faire la recherche des crimes, et toutes les instructions nécessaires pour les faire punir ; et le peuple ayant demandé qu'il y eut aussi des magistrats de son ordre, on créa les tribuns et les édiles, qui furent chargés chacun de certaine partie de la police. Voyez EDILES et TRIBUNS.

Quelque temps après on créa deux censeurs ; mais tous ces officiers n'étaient point juges : le pouvoir de juger n'appartenait qu'aux consuls, aux senateurs, au peuple, et à ceux qui étaient commis à cet effet.

Vers l'an 388 de Rome, les consuls firent créér un préteur pour rendre en leur place la justice dans la ville. Ce préteur connaissait des affaires civiles et de police. Il commettait quelquefois les édiles et autres personnes pour l'aider dans l'instruction ou dans le jugement ; mais c'était toujours lui qui le prononçait et au nom duquel on le faisait exécuter.

Quelque temps après, le préteur, pour être plus en état de juger les questions de droit, choisit dans chacune des trente-cinq tribus cinq hommes des plus versés dans l'étude des lais, ce qui fit en tout cent soixante-quinze personnes, qui néanmoins pour une plus facîle prononciation, furent nommés centumviri, centumvirs, entre lesquels il prenait des assesseurs ou conseillers pour les questions de droit, au lieu que pour les questions de fait, il en choisissait indifféremment dans tous les ordres.

L'an 604 le peuple remit au préteur le soin de punir les crimes ; et les questeurs, qui furent rendus perpétuels, continuèrent leurs fonctions sous les ordres du préteur.

Les édiles, dont le nombre fut augmenté, exerçaient aussi en son nom certaines parties de la police.

Il y avait aussi un préteur dans chaque province, lequel avait ses aides comme celui de Rome.

Sur la fin de la république, les tribuns et les édiles curules s'attribuèrent une juridiction contentieuse, indépendante de celle du préteur.

L'autorité de celui-ci avait déjà été diminuée en lui donnant un collègue pour connaître des causes des étrangers, sous le titre de praetor peregrinus ; on lui adjoignit encore six autres préteurs pour les causes capitales. Les préteurs provinciaux prenaient aussi séance avec eux pendant un an, avant que de partir pour leurs provinces, sous prétexte de les instruire des affaires publiques. On institua aussi deux préteurs pour la police des vivres en particulier. Enfin, sous le triumvirat il y avait jusqu'à soixante quatre préteurs dans Rome qui avaient tous leurs tribunaux particuliers, de même que les tribuns et les édiles.

Un des premiers soins d'Auguste, lorsqu'il se vit paisible possesseur de l'empire, fut de réformer la justice. Il réduisit d'abord le nombre des préteurs de la ville à seize, et établit au dessus d'eux le préfet de la ville, dont la juridiction fut étendue jusqu'à cinquante stades autour de la ville. Il connaissait seul des affaires où quelque sénateur se trouvait intéressé, et des crimes commis dans toute l'étendue de sa province. Il avait seul la police dans la ville, et l'appel des sentences des préteurs se relevait pardevant lui.

Les édiles furent d'abord réduits à six : on leur ôta la police et tout ce qu'ils avaient usurpé de juridiction sur le préteur ; et dans la suite Constantin les supprima totalement ; on donna au préfet de la ville d'autres aides au nombre de quatorze, qui furent nommés curatores urbis, ou adjutores praefecti urbis. Ils étaient magistrats du second ordre, magistratus minores. La ville fut divisée en autant de quartiers qu'il y avait de curateurs, et chacun d'eux fut chargé de faire la police dans son quartier. On leur donna à chacun deux licteurs pour marcher devant eux, et faire exécuter leurs ordres. L'empereur Sévère créa encore quatorze autres curateurs ; et pour les faire considérer davantage, il voulut qu'ils fussent choisis dans les familles consulaires.

Le préfet de la ville ne pouvant connaître par lui-même de toutes choses, on lui donna deux subdélégués, l'un appelé praefectus annonae, qui avait la police des vivres ; l'autre appelé praefectus vigilum, qui commandait le guet. Celui-ci avait une espèce de juridiction sur les voleurs, filoux, malfaiteurs, et gens suspects qui commettaient quelque désordre pendant la nuit ; il pouvait les faire arrêter et constituer prisonniers, même les faire punir sur-le-champ s'il s'agissait d'une faute légère ; mais si le délit était grave ou que l'accusé fût une personne de quelque considération, il devait en reférer au préfet de la ville.

Chaque province était gouvernée par un président ou proconsul, selon qu'elle était du département de l'empéreur ou de celui du sénat. Ce magistrat était chargé de l'administration de la justice : les proconsuls avaient chacun près d'eux plusieurs subdélégués qu'on appelait legati proconsulum, parce qu'ils les envoyaient dans les différents lieux de leurs gouvernements. Ces subdélégués ayant été distribués dans les principales villes et y étant devenus sédentaires, furent appelés senatores loci, ou judices ordinarii, et quelquefois simplement ordinarii. Ceux des villes moins considérables furent nommés judices pedanei ; et enfin les juges des bourgs et villages furent nommés magistri pagorum.

L'appel des juges des petites villes et des bourgs et villages, était porté au tribunal de la ville capitale de la province, de la capitale à la métropole, de la métropole à la primatie, d'où l'on pouvait encore en certains cas appeler à l'empereur ; mais comme cela engageait dans des dépenses excessives pour ceux qui demeuraient dans les Gaules, Constantin y établit un préfet du prétoire pour juger en dernier ressort les affaires que l'on portait auparavant à l'empereur.

Sous l'empire d'Adrien les magistrats romains qui étaient envoyés dans les provinces, furent appelés comites quasi de comitatu principis, parce qu'on les choisissait ordinairement dans le conseil du prince. Ceux qui avaient le gouvernement des provinces frontières furent nommés duces, parce qu'ils avaient le commandement des armées.

Lorsque les Francs eurent conquis les Gaules, ils y conservèrent le même ordre que les Romains y avaient établi pour la division des gouvernements et pour l'administration de la justice. Les officiers François prirent les titres de ducs et de comtes attachés aux gouvernements qui leur furent distribués ; mais les officiers d'un rang inférieur ne trouvant pas assez de dignité dans les titres de juges pedanei vel magistri pagorum, qui étaient usités chez les Romains, conservèrent leurs titres de centeniers, de cinquanteniers et dixainiers, et sous ces mêmes titres ils rendaient la justice dans les petites villes, bourgs et villages. Quelques-uns craient que c'est de-là qu'est venue la distinction des trois degrés de haute, moyenne et basse justice.

Les centeniers auxquels étaient subordonnés les cinquanteniers et dixainiers, relevaient des comtes des villes capitales. Ces comtes relevaient eux-mêmes des comtes ou ducs des provinces ou villes métropolitaines ; ceux-ci des patrices qui présidaient dans les villes primatiales, et les patrices relevaient du roi, lequel jugeait souverainement et en dernier ressort les grandes affaires, soit dans son conseil particulier avec le comte ou maire du palais, qui prit la place du préfet du prétoire des Gaules, ou en public à la tête de son parlement, lorsqu'il était assemblé.

Les comtes avaient des vicaires ou vicomtes qui étaient comme leurs lieutenans.

Pour contenir tous ces officiers dans leur devoir, le roi envoyait dans les provinces des commissaires appelés missi dominici, pour recevoir les plaintes que l'on avait à faire contre les juges ordinaires des lieux.

Outre les juges royaux, il y avait dès-lors deux autres sortes de justice en France ; savoir les justices ecclésiastiques et les justices seigneuriales ; la juridiction ecclésiastique était exercée par les évêques et les abbés, qui connaissaient chacun dans leur territoire des matières spirituelles, des affaires ecclésiastiques et de celles qui étaient alors reputées telles. Voyez ci-devant JURISDICTION ECCLESIASTIQUE.

Les vassaux et arriere-vassaux des comtes, et des évêques et abbés rendaient aussi la justice dans les terres qui leur étaient données à titre de bénéfice, ce qui fut le commencement des justices seigneuriales.

Quelque temps après tous les bénéfices des laïcs ayant été transformés en fiefs, les justices des comtes et des ducs devinrent elles-mêmes des justices seigneuriales, et il n'y avait alors de justices royales que celles qui étaient exercées par les officiers du roi dans les terres de son domaine.

Lorsque les comtes et les ducs changèrent leurs gouvernements en seigneuries héréditaires, ils se déchargèrent du soin de rendre la justice sur des vicomtes, viguiers ou prevôts ; dans les lieux où il y avait un château, leurs lieutenans furent nommés châtelains ; dans les simples bourgs et villages, les juges qui prirent la place des centeniers furent appelés majores villarum, maires ou principaux des villages ; titre qui revenait assez à celui de magistri pagorum, qui était usité chez les Romains.

Les ducs et les comtes s'étaient néanmoins réservé une juridiction supérieure au-dessus de toutes ces justices, qu'ils continuèrent encore pendant quelque temps d'exercer avec leurs pairs ou principaux vassaux qui étaient pares inter se : ils tenaient leurs audiences ou assises avec eux quatre fois l'année et même plus souvent, lorsque cela était nécessaire ; on y traitait des affaires concernant le domaine et autres droits du seigneur, de celles où quelque noble ou ecclésiastique était intéressé, de crimes qui méritaient la mort naturelle ou civile, enfin des appelations des juges inférieurs.

Cette portion de juridiction que les ducs et les comtes s'étaient réservée, fut encore abandonnée par eux à des officiers qu'on nomma baillifs, et en d'autres endroits, sénéchaux.

Les prélats, les chapitres et les abbayes de fondation royale s'étant plaint des entreprises que les juges royaux faisaient sur leurs privilèges, nos rois les mirent sous leur protection et sauve-garde, leur donnant pour juge le prevôt de Paris ; c'est ce que l'on appelle le droit de garde gardienne.

D'un autre côté, les seigneurs supportant impatiemment l'inspection des commissaires du roi, appelés missi dominici, qui les rappelaient à leur devoir, on cessa pendant quelque temps d'en envoyer, mais au lieu de ces commissaires, le roi établit quatre baillifs pour juger les appelations des juges royaux inférieurs ; le siege de ces bailliages fut placé à Vermand, aujourd'hui Saint-Quentin, à Sens, à Mâcon et à Saint Pierre-le-Moutier.

Philippe Auguste établit en 1190 de semblables bailliages dans toutes les principales villes de son domaine, et dans la suite les anciens duchés et comtés ayant été réunis par diverses voies à la couronne, les prevôtés, bailliages, sénéchaussées et autres justices, qui étaient établies dans ces seigneuries, devinrent toutes des justices royales.

Les simples justices seigneuriales sont demeurées subordonnées aux prévôtés et autres justices royales du premier degré ; elles ont aussi été appelées en quelques endroits prevôtés, et châtellenies en d'autres bailliages ; mais pour distinguer les juges de ces bailliages seigneuriaux de ceux des bailliages royaux, ces derniers furent appelés baillivi majores, et les autres baillivi minores.

Les justices royales inférieures sont subordonnées aux bailliages et sénéchaussées, et ces tribunaux de leur part ressortissent par appel au parlement, dont l'origine remonte jusqu'au commencement de la monarchie, ainsi qu'on le dira ci-après au mot PARLEMENT.

Sous les deux premières races de nos rais, et encore assez avant sous la troisième, il ne connaissait que des affaires d'état et autres affaires majeures ; la voie d'appel au parlement ne devint guère usitée que depuis que cette cour eut été rendue sédentaire à Paris.

Les autres parlements ont été établis peu-à-peu à mesure que les affaires se sont multipliées.

Pour décharger les parlements de plusieurs petites affaires, on a établi les présidiaux qui jugent en dernier ressort jusqu'à 250 liv. de principal ou 10 l. de rente.

Outre les juridictions ordinaires, nos rois en ont établi plusieurs autres extraordinaires, les unes qu'on appelle juridictions d'attribution, les autres juridictions de privilège ; quelques-unes de ces juridictions ressortissent par appel au parlement comme les requêtes de l'hôtel et du palais, les tables de marbre ; d'autres ressortissent aux cours des aides, telles que les élections et greniers à sel, etc.

Quant à la manière de rendre la justice dans les tribunaux de France, anciennement il n'était pas permis de plaider par procureur ; il fallait se présenter en personne, même dans les affaires civiles, à moins d'en avoir obtenu dispense ; mais depuis longtemps les parties ont été admises à se servir du ministère des procureurs, il est même devenu nécessaire, excepté dans les petites justices où les parties peuvent défendre elles-mêmes leur cause.

On dit néanmoins encore qu'il n'y a que le roi et la reine qui plaident par procureur ; mais cela veut dire qu'ils ne plaident pas en leur nom, et que c'est leur procureur général qui est en qualité pour eux ; à quoi il faut ajouter les seigneurs qui plaident dans leur justice sous le nom de leur procureur-fiscal.

Les affaires civiles s'intentent par une demande, et sur les exceptions, defenses et autres procédures on en vient à l'audience, où la cause se juge sur la plaidoirie des avocats ou des procureurs des parties ; lorsqu'il s'agit d'un appel ou de questions de droit, la cause doit être plaidée par des avocats.

Quand l'affaire ne peut être vuidée à l'audience, on appointe les parties, c'est-à-dire que les parties doivent produire leurs pièces et fournir des écritures pour instruire l'affaire plus amplement.

En matière criminelle, l'affaire commence par une plainte ou par une dénonciation ; on in forme contre l'accusé, et sur l'information on décrete l'accusé, s'il y a lieu, et en ce cas il doit se représenter et répondre en personne ; quand l'affaire est légère, on la renvoye à l'audience.

Ces questions de droit doivent être décidées par les lais, et celles de fait par les titres et par les preuves. Dans les premiers temps de la monarchie, les François étaient gouvernés par différentes lais, selon celle sous laquelle ils étaient nés ou qu'ils avaient choisie ; car alors ce choix était libre. Les Francs suivaient communément la loi salique, les Bourguignons la loi gombette : les Goths qui étaient restés en grand nombre dans les provinces d'outre la Loire, suivaient les lois des Visigoths. Tous les autres sujets du roi suivaient la loi Romaine qui était le code Théodosien ; les Ecclésiastesiastiques la suivaient aussi tous, et en outre le droit canonique.

Aux anciennes lois des Francs ont succédé les capitulaires, qui sont aussi tombés en non-usage.

Les provinces les plus voisines de l'Italie ont continué de se régir par le droit romain ; les autres provinces sont régies par des coutumes générales et particulières. Voyez COUTUME.

Outre le droit romain et les coutumes, on se règle par les ordonnances, édits et déclarations de nos rais, et par la jurisprudence des arrêts.

Les premiers juges doivent toujours juger à la rigueur et suivant la lettre de la loi ; il n'appartient qu'au roi, et aux cours souveraines dépositaires de son autorité, d'interpreter les lais.

Les formalités de la justice ont été établies pour instruire la religion des juges ; mais comme on abuse des meilleures choses, il arrive souvent que les plaideurs multiplient les procédures sans nécessité.

Dans les pays où la justice se rend sans formalités, comme chez les Turcs, les juges peuvent souvent être surpris. La partie qui parle avec le plus d'assurance est ordinairement celle qui a raison ; il est aussi très-dangereux qu'un juge soit le maître du sort des hommes, sans craindre que personne puisse le réformer.

La justice se rendait autrefois gratuitement dans toutes sortes d'affaires ; elle se rend encore de même de la part des juges pour les affaires qui se jugent à l'audience ; mais par succession de temps on a permis aux greffiers de se faire payer l'expédition du jugement ; on a aussi autorisé les juges à recevoir de ceux qui gagnaient leur procès de menus présents de dragées et de confitures, qu'on appelait alors épices, et dans la suite ces épices ont été converties en argent ; les juges n'en prennent que dans les procès par écrit ; il y a aussi des cas où ils ont des vacations. Voyez ÉPICES, VACATIONS.

Le surplus de ce qui concerne cette matière se trouvera aux mots COUTUME, DROIT, JUGE, JURISDICTION, LOI, PROCES, PROCEDURE, etc. Voyez aussi Loyseau, Traité des seigneuries, Traité de la police, liv. I. (A)

JUSTICE D'APANAGE, est une justice royale qui se trouve dans l'étendue de l'apanage d'un fils ou petit-fils de France. Cette justice est exercée au nom du roi et du prince apanagiste, lequel a la nomination et provision des offices, à la différence du seigneur engagiste qui a seulement la nomination des offices des justices royales qui se trouvent dans le domaine engagé. (A)

JUSTICE D'ATTRIBUTION, est celle qui n'est établie que pour connaître d'une certaine affaire, comme les commissions du conseil, les renvois d'une affaire à une chambre du parlement, ou bien pour connaître de toutes les affaires d'une certaine nature, comme les cours des aydes, les élections, les greniers à sel, les tables de marbre et autres semblables. Voyez JUGE D'ATTRIBUTION. (A)

JUSTICES BAILLIAGERES, on entend ordinairement par-là celles qui ont un territoire fixe comme les bailliages, c'est en ce sens que l'on dit que les maitrises des eaux et forêts sont bailliageres, pour dire que les officiers de ces juridictions ne peuvent anticiper sur le territoire les uns des autres.

En Lorraine on appelle justices bailliageres des justices seigneuriales qui ressortissent directement à la cour souveraine, sans passer par le degré des bailliages royaux, lesquels n'y connaissent que des cas royaux et privilèges ; il y a une vingtaine de prevôtés et autres justices seigneuriales qui sont bailliageres. Voyez les Mém. sur la Lorraine, pag. 76. (A)

JUSTICE BASSE ou plutôt BASSE-JUSTICE, est une justice seigneuriale qui n'a que le dernier degré de juridiction.

On l'appelle aussi justice foncière ou censière ou censuelle, parce que le bas-justicier connait des cens et rentes ; et autres droits dû. au seigneur.

Le juge qui exerce la basse justice, connait aussi de toutes matières personnelles entre les sujets du seigneur jusqu'à la somme de 60 sols parisis.

Il connait pareillement de la police, du dégât fait par les animaux, des injures légères et autres délits, dont l'amende n'excède pas dix sols parisis.

Si le délit mérite une amende plus forte, le juge doit en avertir le haut-justicier, et en ce cas il prend sur l'amende qui est adjugée, six sols parisis.

Il peut faire arrêter dans son district tous les délinquans, et pour cet effet avoir sergent et prison ; mais il doit aussi-tôt faire conduire le prisonnier au haut-justicier avec l'information, et ne peut pas décreter.

Il connait des censives du seigneur et amendes de cens non payé ; il peut du consentement des parties faire faire mesurage et bornage entr'elles.

Il peut demander au haut-justicier le renvoi des causes qui sont de sa compétence.

Dans quelques coutumes on distingue deux sortes de basses justices ; l'une qui est générale ou personnelle pour connaître de toutes causes civiles et criminelles entre les sujets du seigneur, jusqu'à concurrence de ce qui vient d'être dit ; l'autre qu'on appelle simplement juridiction basse, particulière ou foncière, qui ne regarde que la connaissance du fond qui reléve du fief ou de l'étroit fond, comme dit la coutume de Poitou, art. 18, c'est-à-dire des causes réelles qui regardent le fond du fief et droits qui en peuvent venir au seigneur, comme le payement des lods et ventes, la notification et exhibition des contrats et autres causes concernant son fief. Voyez Bouchart sur l'art. 18 de la coutume de Poitou.

L'appel de la basse-justice ressortit à la haute-justice. Voyez ci-après JUSTICE SEIGNEURIALE et JUSTICE FONCIERE. (A)

JUSTICE CAPITALE, est la principale juridiction d'une province, la justice supérieure ; c'est ainsi que Richard roi d'Angleterre, duc de Normandie et d'Aquittaine, et comte d'Anjou, qualifiait sa cour dans des lettres du mois de Septembre 1352, nisi coram nobis aut capitali justiciâ nostrâ. (A)

JUSTICE DE CENSIER, est la même chose que justice censière, ou censuelle : on l'appelle plus communément justice censière, ou foncière. Voyez JUSTICE CENSIERE et FONCIERE. (A)

JUSTICE CENSIERE ou CENSUELLE, est une basse justice qui appartient dans quelques coutumes aux seigneurs de fiefs pour contraindre leurs censitaires au payement des cens et rentes seigneuriales, et autres droits. Voyez ci-après JUSTICE FONCIERE. (A)

JUSTICE CENSUELLE, CENSIERE, ou FONCIERE, est celle qui appartient à un seigneur censier pour raison de ses cens seulement : on l'appelle aussi justice de censier. Voyez les coutumes de Meaux, art. 203. Auxerre, art. 20. Orléans, art. 105. (A)

JUSTICE CIVILE, est celle qui prend connaissance des affaires civiles, telles que les demandes à fin de payement de dette, à fin de partage d'une succession.

La justice civîle est ainsi appelée pour la distinguer de la justice criminelle qui prend connaissance des crimes et délits. Voyez JUSTICE CRIMINELLE, OCEDURE CRIMINELLEELLE. (A)

JUSTICE COMMUTATIVE, est cette vertu et cette partie de l'administration de la justice, qui a pour objet de rendre a chacun ce qui lui appartient dans une proportion arithmétique, c'est-à-dire le plus exactement que faire se peut.

C'est principalement dans les affaires d'intérêt, où cette justice s'observe, comme quand il s'agit du partage d'une succession ou d'une société, de payer la valeur d'une chose qui a été fournie, ou d'une somme qui est dû., avec les fruits, arrérages, intérêts, frais et dépens, dommages et intérêts.

La justice commutative, est opposée à la justice distributive, c'est-à-dire qu'elles ont chacune leur objet. Voyez ci-après JUSTICE DISTRIBUTIVE. (A)

JUSTICE CONTENTIEUSE, est la même chose que juridiction contentieuse. Voyez ci-devant JURISDICTION CONTENTIEUSE. (A)

JUSTICE COTTIERE ou FONCIERE, est la juridiction du seigneur, qui n'a dans sa mouvance que des rotures, à la différence de celui qui a dans sa mouvance quelque fief, dont la justice s'appelle hommagère.

Ces sortes de justices cottières ne sont connues qu'en Artais, et quelques autres coutumes des Pays-Bas. Voyez l'annotateur de la coutume d'Artais, art. premier. (A)

JUSTICE CRIMINELLE, s'entend quelquefois d'une juridiction qui a la connaissance des affaires criminelles, comme la chambre de la tournelle au parlement, la chambre criminelle du châtelet, les prévôts des maréchaux, etc.

On entend aussi quelquefois par-là l'ordre judiciaire qui s'observe dans l'instruction des affaires criminelles, ou les lois qui s'observent pour la punition des crimes et délits. Voyez JUSTICE CIVILE. (A)

JUSTICE DISTRIBUTIVE, signifie quelquefois cette vertu dont l'objet est de distribuer à chacun selon ses mérites, les grâces et les peines, en y observant la proportion géométrique, c'est-à-dire par comparaison d'une personne et d'un fait avec une autre.

On entend aussi quelquefois par le terme de justice distributive, l'administration de la justice qui est confiée par le roi à ses juges ou à ceux des seigneurs. Le roi ni son conseil ne s'occupent pas ordinairement de la justice distributive, si ce n'est pour la manutention de l'ordre établi pour la rendre ; mais le roi exerce seul la justice distributive, entant qu'elle a pour objet de donner des récompenses ; il laisse aux juges le soin de punir les crimes, et ne se réserve que le droit d'accorder grâce aux criminels, lorsqu'il le juge à propos. Voyez JUSTICE COMMUTATIVE. (A)

JUSTICE DOMANIALE, on entend quelquefois par-là une justice seigneuriale, laquelle est toujours du domaine du seigneur, et ce que l'on appelle patrimoniale ; quelquefois aussi ce terme de justice domaniale est synonyme de Justice foncière, comme dans la coutume de Rheims, article 144.

Enfin, on entend aussi quelquefois par justice domaniale, une justice royale attachée à un domaine engagé, laquelle s'exerce tant au nom du roi, que du seigneur engagiste. On l'appelle cependant plus communément justice royale, parce qu'en effet, elle en conserve toujours le caractère. (A)

JUSTICE DOMESTIQUE, FAMILIERE, ou ECONOMIQUE, n'est autre chose que la puissance et le droit de correction que les maris ont sur leurs femmes, les pères sur leurs enfants, les maîtres sur leurs esclaves et domestiques, et que les supérieurs de certains corps exercent sur ceux qui en sont les membres. Cette espèce de juridiction privée était autrefois fort étendue chez les Romains, de même que chez les Germains et les Gaulois ; car les uns et les autres avaient droit de vie et de mort sur leurs femmes, sur leurs enfants, et sur leurs esclaves ; mais dans la suite leur puissance fut réduite à une correction modérée. Du temps de Justinien, les maîtres exerçaient encore une espèce de justice familière sur leurs colons qui étaient alors demi-serfs : c'est de cette justice qu'il est parlé en la novelle 80, cap. IIe où il dit, si agricolae constituti sub dominis litigent, debent possessores citius eas decernere pro quibus venerunt causas, et postquam jus eis reddiderint, mox eos domum remittère ; et au chap. suivant, il dit que agricolarum domini eorum judices a se sunt statuti. Voyez Loyseau, tr. des seigneuries, chap. Xe n. 48. Voyez ci-devant JURISDICTION ECONOMIQUE. (A)

JUSTICE ECCLESIASTIQUE ou D'EGLISE, est la même chose que juridiction ecclésiastique. Voyez ci-devant au mot JURISDICTION. (A)

JUSTICE ENGAGEE, est une justice royale attachée à quelque terre domaniale, et qui est donnée avec cette même terre à titre d'engagement à quelque particulier : ces sortes de justices sont exercées tant au nom du roi, qu'en celui du seigneur engagiste. Voyez DOMAINE et JUSTICE ROYALE. (A)

JUSTICE EXTRAORDINAIRE ou EXTRAVAGANTE, est la même chose que juridiction extraordinaire. Voyez ci-devant au mot JURISDICTION. (A)

JUSTICE EXTRAVAGANTE ou EXTRAORDINAIRE, voyez ci-devant JUSTICE EXTRAORDINAIRE et au mot JURISDICTION. (A)

JUSTICE FAMILIERE, voyez ci-devant JUSTICE DOMESTIQUE. (A)

JUSTICE FEODALE, est celle qui est attachée à un fief ; c'est la même chose que justice seigneuriale. Il y a cependant des justices seigneuriales qui ne sont pas annexées à un fief, telles que les justices dépendantes d'un franc-aleu noble. Voyez JUSTICE SEIGNEURIALE. (A)

JUSTICE FISCALE ; on donnait ce nom aux justices qui étaient établies dans le domaine du roi appelé fiscus. (A)

JUSTICE FONCIERE, ou CENSIERE, ou CENSUELLE, est une basse justice particulière, qui appartient dans quelques coutumes à tous les seigneurs de fief, pour contraindre leurs censitaires à payer les cens et autres droits seigneuriaux.

Ces sortes de justices n'ont lieu que dans les coutumes où le fief emporte de droit une portion de la basse justice, comme en Artais et aux coutumes des Pays-Bas, dans celle d'Anjou, Maine et Poitou.

Quelques-unes confondent absolument la basse justice avec la justice foncière, comme celle de Bar-le-Duc.

Dans les pays de nantissement, il faut être nanti par les officiers de la justice foncière pour acquérir droit de propriété ou d'hypothèque.

A Paris et dans toutes les coutumes où le fief et la justice n'ont rien de commun, il n'y a point de justice foncière autre que la basse justice. Cette matière est très-bien expliquée par Brodeau sur l'art. 74 de la coutume de Paris, n. 29 et suiv. Voyez l'acte de notorieté de M. Camus, du mois d'Avril 1702, et ci-devant JUSTICE BASSE. (A)

JUSTICE TRES-FONCIERE était la même chose que justice foncière, du temps que la commune de Laon subsistait. Les seigneurs de cette prévôté qui avaient justice très-foncière requéraient les échevins de Laon de venir à leur cour pour juger. Philippe de Valais ayant établi en 1331 un prévôt à Laon, ordonna que ces seigneurs viendraient requérir le prévôt de Laon pour aller à leur cour juger, comme faisaient auparavant les échevins. Voyez l'ordonnance du mois de Mai 1731, art. VIIe

La coutume de Vermandais parle bien du seigneur foncier, mais elle ne parle plus de justice foncière. (A)

JUSTICE EN GARDE. On appela ainsi anciennement celles que le Roi donnait simplement à exercer par commission, au lieu qu'auparavant elles étaient vendues ou données à ferme. Philippe de Valais ordonna en 1347 que les prévôtés royales seraient données en garde : depuis ce temps toutes les justices ne se donnent plus à ferme, mais en titre d'office ou par commission.

Ce que l'on entend présentement par justice en garde, est une justice royale, qui n'est point actuellement remplie par le chef ordinaire, et qui est exercée par interim au nom de quelqu'autre magistrat. Par exemple, le procureur général du parlement est garde de la prévôté et vicomté de Paris le siège vacant, et pendant ce temps les sentences sont intitulées de son nom. (A)

JUSTICE DU GLAIVE ; on appelle ainsi dans quelques provinces la juridiction ecclésiastique que quelques chapitres ont sur leurs membres, et sur tout le clergé qui compose leur église : telle est celle du chapitre de l'église de Lyon, et celle du chapitre de S. Just en la même ville. Ces justices ont été surnommées du glaive pour les distinguer des justices ordinaires temporelles qui appartiennent à ces mêmes chapitres.

Il ne faut pas s'imaginer que par le terme de glaive on entende en cet endroit le droit de vie et de mort, appelé en droit jus gladii ; car aucune justice ecclésiastique n'a ce pouvoir : on n'entend donc ici autre chose par le terme de glaive, que le glaive spirituel ; c'est-à-dire le glaive de l'excommunication, par lequel ceux qui désobéissent à l'Eglise sont retranchés de la communion des fidèles, le pouvoir des juridictions ecclésiastiques se bornant à infliger des peines spirituelles telles que les censures. (A)

JUSTICE GRANDE, ou plutôt, comme on disait, la GRANDE JUSTICE, magna justitia ; on l'appelait aussi indifféremment plait de l'épée, comme il est dit dans des lettres de Philippe III. du mois de Juin 1280, confirmées par Charles V. au mois de Janvier 1378 pour l'abbaye de Bernay, et justitia magna quae dicitur placitum ensis. Toutes ces dénominations ne signifient autre chose que la haute justice, à laquelle est attaché le droit de vie et de mort, potestas gladii seu jus gladii. Voyez JUSTICE HAUTE ou HAUTE JUSTICE. (A)

JUSTICE HAUTE, ou plutôt HAUTE JUSTICE, alta justitia, merum imperium, est l'entière juridiction qui appartient à un seigneur. Voyez ci-après JUSTICE SEIGNEURIALE. (A)

JUSTICE HOMMAGERE est celle qui est exercée par les hommes féodaux ou de fief dans les bailliages et dans toutes les justices seigneuriales qui sont au moins vicomtières. Elle est opposée à la justice cottière, qui est exercée par les hommes cottiers. Voyez JUSTICE COTTIERE.

Ces sortes de justices ne sont usitées que dans quelques coutumes des Pays-bas, comme en Artais. (A)

JUSTICE INFERIEURE est celle qui en a une autre au-dessus. On comprend quelquefois sous ce terme en général toutes les justices autres que les cours supérieures. Voyez JUGE INEERIEUR. (A)

JUSTICE SOUS LATTE se dit en quelques provinces pour exprimer celle qui s'exerce seulement sous le couvert de la maison du seigneur. (A)

JUSTICE MANUELLE ; suivant le style de procéder au pays de Normandie, c'est lorsque le seigneur, pour avoir payement des arrérages de sa rente ou charge, prend de sa main sur l'héritage de son débiteur et en la présence du sergent, des namps ; c'est-à-dire des meubles saisis, et qu'il les délivre au sergent pour les discuter, c'est-à-dire pour les vendre.

JUSTICE MILITAIRE est une juridiction qui est exercée au nom du roi dans le conseil de guerre par les officiers qui le composent.

Cette juridiction connait de tous les délits militaires qui sont commis par les gendarmes, cavaliers, dragons, soldats.

Pour entendre de quelle manière s'exerce la justice militaire tant dans les places qu'à l'armée, il faut observer ce qui suit.

Tout gouverneur ou commandant d'une place peut faire arrêter et constituer prisonnier tout soldat prévenu de crime, de quelque corps et compagnie qu'il sait, en faisant avertir dans 24 heures de l'emprisonnement le capitaine ou officier commandant la compagnie dont est le soldat.

Il peut aussi faire arrêter les officiers qui seraient tombés en grieve faute, à la charge d'en donner aussitôt avis à S. M. pour recevoir ses ordres.

Les chefs et officiers des troupes peuvent aussi faire arrêter et emprisonner les soldats de leurs corps et compagnies qui auront commis quelque excès ou désordre ; mais ils ne peuvent les élargir sans la permission du gouverneur, ou qu'ils n'aient été jugés au conseil de guerre, si le cas le requiert.

Le sergent-major de la place, et en sa place celui qui en fait les fonctions, doit faire faire le procès aux soldats ainsi arrêtés.

Les juges ordinaires des lieux où les troupes tiennent garnison, connaissent de tous crimes et délits qui peuvent être commis dans ces lieux par les gens de guerre, de quelque qualité et nation qu'ils soient, lorsque les habitants des lieux ou autres sujets du roi y ont intérêt, nonobstant tous privilèges à ce contraires, sans que les officiers des troupes en puissent connaître en aucune manière. Les juges ordinaires sont seulement tenus d'appeler le prévôt des bandes ou du régiment, en cas qu'il y en ait, pour assister à l'instruction et au jugement de tout crime de soldat à habitant ; et s'il n'y a point de prévôt, ils doivent appeler le sergent-major, ou l'aide-major, ou l'officier commandant le corps de la troupe.

Les officiers des troupes du roi connaissent seulement des crimes ou délits qui sont commis de soldat à soldat : ils ne peuvent cependant, sous prétexte qu'ils auraient droit de connaître de ces crimes, retirer ou faire retirer leurs soldats des prisons où ils auraient été mis de l'autorité des juges ordinaires, mais seulement requérir ces juges de les leur remettre ; et en cas de refus, se pourvoir pardevers le roi.

Les chefs et officiers ne peuvent s'assembler pour tenir conseil de guerre ou autrement, sans la permission expresse du gouverneur ou commandant.

La forme que l'on doit observer pour tenir le conseil de guerre a été expliquée ci-devant au mot CONSEIL DE GUERRE.

La justice militaire peut condamner à mort ou à d'autres peines plus légères, selon la nature du délit. Ses jugements n'emportent point mort civîle ni confiscation quand ils sont émanés du conseil de guerre : il n'en est pas de même quand ils sont émanés du prévôt de l'armée ou autres juges ayant caractère public pour juger selon les formes judiciaires.

Lorsque le condamné, après avoir subi quelque peine légère, a passé sous le drapeau, et est admis à rester dans le corps, le jugement rendu contre lui n'emporte point d'infamie.

La justice qui est exercée par le prévôt de l'armée sur les maraudeurs, et pour la police du camp, est aussi une justice militaire qui se rend sommairement.

On appelle aussi justice militaire, dans un sens figuré, une juridiction où la justice se rend sommairement et presque sans figure de procès, ou bien une exécution faite militairement et sans observer aucune formalité.

La plupart des justices seigneuriales tirent leur origine de la justice ou commandement militaire. (A)

JUSTICE MOYENNE, ou plutôt MOYENNE JUSTICE, media justitia, mixtum imperium, est la portion de justice seigneuriale, qui tient le milieu entre la haute et la basse justice. Voyez ci-après JUSTICE SEIGNEURIALE. (A)

JUSTICE MUNICIPALE est celle qui appartient à une ville, et qui est exercée par les maire et échevins ou autres officiers qui font les mêmes fonctions. On appelle aussi justices municipales celles qui sont exercées par des personnes élues par les citoyens entr'eux, telles que les juridictions consulaires. Les élections étaient aussi autrefois des justices municipales. Voyez Loiseau, traité des seigneuries, chap. XVIe et ci-devant JUGE MUNICIPAL. (A)

JUSTICE ORDINAIRE est celle qu'exercent les juges ordinaires ; c'est-à-dire une juridiction qui est stable et permanente, et qui est naturellement compétente pour connaître de toutes sortes de matières, à la différence des justices d'attribution et de privilège, et des commissions particulières, qui sont des justices ou juridictions extraordinaires. Voyez ci-devant JURISDICTION EXTRAORDINAIRE et JURISDICTION ORDINAIRE. (A)

JUSTICE-PAIRIE est celle qui est attachée à une pairie, c'est-à-dire à un duché ou comté-pairie. On comprend aussi quelquefois sous ce titre d'autres justices attachées à des marquisats, comtés et baronies, qui ont été érigées à l'instar des pairies.

Toutes ces justices-pairies ou à l'instar des pairies, ne sont que des justices seigneuriales attachées à des terres plus ou moins titrées. L'appel de leurs sentences se relève directement au parlement. Voyez PAIRIES.

JUSTICE PAR PAIRS est celle qui est rendue par les pairs ou hommes de fief du seigneur auquel appartient la justice. Anciennement la justice était rendue par pairs ou par baillis : il y a encore en Picardie et en Artais plusieurs endroits où la justice est rendue par les hommes de fief ou par les hommes cottiers, selon la qualité de la justice. Voyez les établissements de S. Louis, chap. lxxj. et les notes de M. de Laurière, ibid.

Voyez aussi HOMMES COTTIERS, HOMMES DE FIEF et JUSTICE COTTIERE. (A)

JUSTICE EN PAREAGE, ou, comme on dit plus communément, JUSTICE EN PARIAGE ou de PARIAGE, est lorsqu'une même justice est tenue conjointement par le seigneur dominant et par son vassal, qui s'associent mutuellement dans cette justice et dans tout ce qui en dépend, de manière qu'ils y ont chacun un droit égal.

On trouve de tels pariages faits entre des seigneurs particuliers. Il y a aussi des justices tenues en pariage avec le roi.

On peut citer pour exemple de ces justices tenues en pariage, celle du bourg d'Essoye, coutume de Chaumont en Bassigny. Ce pariage fut fait en 1233 entre Thibault, comte de Champagne, au lieu duquel est présentement le roi, et l'abbaye de Molesme, ordre de Saint Benait. La charte de Thibault porte que l'abbé et les religieux de Molesme l'associent lui et ses héritiers comtes de Champagne, à perpétuité dans toute la justice qu'ils ont à Essoye sur les hommes et les femmes ; ils lui cedent la moitié des amendes et confiscations des abonnements et tailles ; que le prévôt commun leur prêtera serment. Ce pariage fut confirmé en 1329 par Philippe de Valais : il a encore présentement son effet ; le prévôt d'Essoye est prévôt royal ; les religieux le nomment conjointement avec le roi ; leurs provisions sont sous le contre-scel de celles du roi.

On trouve un autre exemple d'une justice établie en pariage directement avec le roi ; le titre est du mois de Février 1306, passé entre Philippe le Bel et Guillaume Durand, évêque de Mende. C'est le roi qui associe l'évêque dans toute la justice du Gevaudan et dans toutes les commises qui pourraient survenir. L'évêque associe ensuite le roi dans tous les droits de justice qu'il pouvait avoir au même pays et dans les commises et confiscations ; chacun réserve les fiefs et domaines dont il jouissait ; ils excluent toute prescription de l'un contre l'autre ; enfin ils érigent une cour commune. Ce pariage a été confirmé par Philippe de Valais en 1344, par le roi Jean en 1350, Charles V. en 1367, 1369 et 1372, Charles VII. en 1437, Louis XI. en 1464, Charles VIII. en 1484, Charles IX. en 1574, Henri IV. en 1595, lequel entr'autres relève l'évêque de Mende de la prescription qui aurait pu courir pendant les troubles des règnes de ses prédécesseurs et des siens : par Louis XIV. en 1643, et par Louis XV. à présent regnant, en 1720.

Il intervint Arrêt au parlement de Toulouse en 1601 sur la requête de M. le procureur général, lequel, en ordonnant l'exécution d'arrêts précédents de 1495 et 1597, ordonna l'exécution du pariage.

Il fut aussi rendu un arrêt au conseil du roi en 1641 sur la requête des agens généraux du clergé de France, qui ordonna que tous les contrats de pareage ou pariage passés entre les rois et les ecclésiastiques, seront exécutés et fidèlement entretenus ; ce faisant, le roi relève lesdits ecclésiastiques de la prescription de 150 ans.

Voyez M. Guyot en ses observations sur le droit des patrons, p. 131 et suiv. et ci-après au mot PARIAGE. (A)

JUSTICE PATIBULAIRE, c'est le signe extérieur de la justice ; ce sont les piliers ou fourches patibulaires, le gibet où l'on expose les criminels qui ont été mis à mort.

Le haut-justicier a droit d'avoir une justice à deux piliers, le châtelain à trois, le baron à quatre, le comte à six.

Les dispositions des coutumes ne sont pourtant pas absolument uniformes à ce sujet, ainsi cela dépend de la coutume, et aussi des titres et de la possession. Voyez les coutumes de Tours, art. 58, 64, 72 et 74. Lodunais, chap. iv, art. 3, et chap. Ve art. 6. Anjou, art. 43. Voyez aussi au mot ECHELLES PATIBULAIRES. (A)

JUSTICE PERSONNELLE, signifie celle qui s'étend aux causes personnelles, à la différence de la justice foncière ; qui n'a pour objet que la perception des droits dus au seigneur.

On entend aussi quelquefois par justice personnelle celle qui a droit de suite sur les justiciables sans être restreinte aux personnes domiciliées dans un certain territoire ; l'exercice de chaque justice n'a pas toujours été limité à un certain territoire, il y a encore en France et singulièrement en Bourgogne, en Bresse et dans le Bugey de ces justices personnelles qui s'étendent sur certains hommes et sur leurs descendants, le seigneur les suit par-tout ; tels sont les main-mortables dans les pays de main morte, lesquels en plusieurs lieux sont appelés gens de suite et fiefs de suite. Voyez Dunod, traité de la main-morte. Il y en a aussi dans la principauté souveraine de Dombes, et en Allemagne. (A)

JUSTICE POPULAIRE, on appelle ainsi celle qui est exercée par des personnes élues par le peuple, telles sont les justices appartenantes aux villes, les justices consulaires, telles étaient aussi anciennement les justices des élus. Voyez CONSULS, ECHEVINS, MAIRIE, JUGE MUNICIPAL. (A)

JUSTICE DE PRIVILEGE, est celle qui est établie pour connaître des causes de certaines personnes privilégiées, telles sont les juridictions des requêtes de l'hôtel du palais, celle du prevôt de l'hôtel, celles des juges conservateurs des privilèges des universités, etc. (A)

JUSTICE REGLEE, c'est un tribunal qui a droit de contraindre. On emploie quelquefois pour obtenir ce que l'on demande, la médiation ou l'autorité de personnes qualifiées qui peuvent imposer ; on leur porte ses plaintes et on leur donne des mémoires ; mais ce sont-là des voies de conciliation ou d'autorité, au lieu que de se pourvoir en justice réglée, c'est prendre les voies judiciaires, c'est-à-dire procéder par assignation, si c'est au civil, et par plainte, si c'est au criminel.

Le terme de justice réglée, signifie aussi quelquefois les tribunaux ordinaires où les affaires s'instruisent avec toutes les formes de la procédure, à la différence des arbitrages et de certaines commissions du conseil où les affaires s'instruisent par de simples mémoires sans autre procédure. (A)

JUSTICE DE RESSORT, signifie le droit de ressort, c'est-à-dire le droit qui appartient à un juge supérieur, de connaître par voie d'appel, du bien ou mal jugé des sentences rendues par les juges inférieurs de son ressort ou territoire. Saint Louis fut le premier qui établit la justice de ressort ; les sujets opprimés par les sentences arbitraires des juges des baronies commencèrent à pouvoir porter leurs plaintes aux quatre grands bailliages royaux qui furent établis pour les écouter. Voyez les établissements de Saint Louis, liv. I. chap. lxxx. et liv. II. chap. XVe

Justice du ressort, est celle qui est enclavée dans le ressort d'une autre justice supérieure, et qui y ressortit par appel. (A)

JUSTICE ROYALE, est celle qui appartient au roi et qui est exercée en son nom.

Il y a aussi des justices dans les apanages et dans les terres engagées qui ne laissent pas d'être toujours justices royales et de s'exercer au nom du roi, quoiqu'elles s'exercent aussi au nom de l'apanagiste ou de l'engagiste. Voyez ci-devant JURISDICTION ROYALE. (A)

JUSTICE A SANG, c'est la connaissance des rixes qui vont jusqu'à effusion de sang, et des délits dont la peine peut aussi aller jusqu'à effusion de sang.

Ce droit n'appartient communément qu'à la haute justice qui comprend en entier la justice criminelle qui peut infliger des peines jusqu'à effusion de sang.

Il y a néanmoins quelques coutumes telles que celles d'Anjou, du Maine et de Tours, où la moyenne justice est appelée justice à sang ; ces termes y sont synonymes de moyenne justice, parce qu'elles attribuent au moyen-justicier la connaissance du sang, aussi donnent-elles à ce juge le droit d'avoir des fourches patibulaires. Voyez ci-après JUSTICE DU SANG et DU LARRON. (A)

JUSTICE DU SANG et DU LARRON, est le pouvoir de connaître du sang et du larron ; il y a plusieurs anciennes concussions de justice faites avec cette clause cum sanguine et latrone ; d'autres au contraire qui ne sont faites qu'excepto sanguine et latrone.

Les coutumes de Picardie et de Flandre attribuent au moyen-justicier la connaissance du sang et du larron.

On entend par justice de sang la connaissance des battures ou batteries et rixes qui vont jusqu'à effusion de sang, et se font de poing garni de quelque arme offensive, pourvu que ce soit de chaude colere, comme l'interprete la coutume de Senlis, art. 110, c'est-à-dire dans le premier mouvement et non pas de guet-à-pens.

La justice du larron, est la connaissance du simple larcin non qualifié et capital.

Ces deux sortes de délits le sang et le larron ont été désignés comme étant plus fréquents que les autres.

Loyseau en son traité des seigneuries, chap. 10, n. 26, dit que suivant le droit commun de la France, le moyen justicier n'a pas la connaissance du sang et du larron ; et en effet Quenais en sa conférence des coutumes rapporte un arrêt du 14 Novembre 1551, qui jugea que depuis qu'en batterie il y a effusion de sang, c'est un cas de haute justice. (A)

JUSTICE SECULIERE, est un tribunal où la justice est rendue par des juges laïcs, ou du moins dont le plus grand nombre est composé de laïcs ; le tribunal est toujours réputé séculier, quand même il y aurait quelques ecclésiastiques et même quelques places affectées singulièrement à des ecclésiastiques. Voyez ci-devant JURISDICTION et JUSTICE ECCLESIASTIQUE. (A)

JUSTICE DE SEIGNEUR, est la même chose que justice seigneuriale ou subalterne. Voyez ci-après JUSTICE SEIGNEURIALE. (A)

JUSTICE SEIGNEURIALE, est celle qui étant unie à un fief appartient à celui qui en est le Seigneur, et est exercée en son nom par ceux qu'il a commis à cet effet.

Les justices seigneuriales sont aussi appelées justice subalternes, parce qu'elles sont inférieures aux justices royales.

On leur donne le surnom de seigneuriales ou subalternes pour les distinguer des justices royales, municipales et ecclésiastiques.

Quelques-uns prétendent faire remonter l'origine des justices seigneuriales jusqu'aux Germains, suivant ce que dit Jules César, lib. VI. de bello gallico ; principes regionum atque pagorum jus inter suos dicunt controversiasque minuunt ; mais par ce terme principes pagorum, il ne faut pas entendre des seigneurs de villages et bourgs, c'étaient des officiers élus par le peuple de ces lieux, pour lui commander en paix et en guerre, de sorte que ces justices étaient plutôt municipales que seigneuriales.

D'autres entre lesquels même on compte Me. Charles Dumolin, prétendent du moins qu'il y avait des justices seigneuriales chez les Romains dès le temps de Justinien. Ils se fondent sur un texte de la novelle 80. cap. IIe qui porte que si agricolae constituti sub dominis litigent, debent possessores citius eas decernere pro quibus venerunt causas, et postquam jus eis reddiderint, mox eos domum remittère ; et au chapitre suivant, il dit que agricolarum domini eorum judices à se sunt statuti ; mais cette espèce de justice attribuée par Justinien, n'était autre chose qu'une justice oeconomique et domestique des maîtres sur leurs colons qui étaient alors demi-serfs, comme il parait par le tit. de agricolis au code ; aussi cette même novelle ajoute-t-elle que quand les colons avaient des procès contre leur seigneur, c'est-à-dire contre leur maître, ce n'était plus lui qui en était le juge, il fallait avoir recours au juge ordinaire, en quoi cette justice domestique ne ressemblait point à nos justices seigneuriales dont le principal attribut est de connaître des causes d'entre le seigneur et ses sujets, ce sont même dans certaines coutumes les seules causes dont le juge du seigneur peut connaître.

D'autres moins hardis se contentent de rapporter l'origine des justices seigneuriales à l'établissement des fiefs, lequel comme on sait ne remonte gueres qu'au commencement de la première race des rois ou au plutôt vers la fin de la seconde. Les comtes et autres officiers inférieurs dont les bénéfices n'étaient qu'à vie, s'emparèrent alors de la justice en propriété de même que des terres de leur gouvernement.

Il y a même lieu de croire que l'institution des justices seigneuriales, du moins pour les simples justices qui n'ont aucun titre de dignité, est plus ancienne que les fiefs tels qu'ils se formèrent dans le temps dont on vient de parler, et que ces justices sont presque aussi anciennes que l'établissement de la monarchie, qu'elles tirent leur origine du commandement militaire que les possesseurs des bénéfices avaient sur leurs hommes qu'ils menaient à la guerre ; ce commandement entraina depuis la juridiction civîle sur ceux qui étaient soumis à leur conduite. Le roi commandait directement aux comtes, marquis et ducs, aux évêques, abbés et abbesses que l'on comprenait sous les noms de druds, leudes ou fidéles ; il exerçait sur eux tous actes de juridiction ; ceux-ci de leur part faisaient la même chose envers leurs vassaux, appelés vassi dominici, vassi comitum, episcoporum, abbatum, abbatissarum ; ces vassaux étaient comme les pairs et les assesseurs des comtes et autres grands qui rendaient avec eux la justice, ils tenaient eux-mêmes du roi des bénéfices pour lesquels ils faisaient hommage au comte ou autre qui était leur supérieur et dans l'étendue de leur bénéfice, et avaient droit de juridiction, mais leur pouvoir était moins grand que celui des comtes.

Ces vassaux avaient sous eux d'autres vassaux d'un ordre inférieur, delà vint sans-doute la distinction des justices royales et des justices seigneuriales, et des différents degrés de juridiction.

Les leudes, comtes et ducs avaient tous au nom du roi l'exercice entier de la justice, appelée chez les Romains merum imperium, et parmi nous haute justice ; mais il n'en fut pas de même des justices exercées par leurs vassaux et arriere-vassaux : on distingua dans ces justices trois degrés de pouvoir plus ou moins étendus, savoir la haute, la moyenne et la basse justice, et les seigneurs inférieurs aux leudes, comtes et ducs, n'acquirent pas tous le même degré de juridiction ; les uns eurent la haute justice, d'autres la haute et la moyenne, d'autres la moyenne seulement, d'autres enfin n'eurent que la basse justice ; cette différence entre les vassaux ou seigneurs exerçans la justice, provenait du degré plus ou moins éminent qu'ils avaient dans le commandement militaire.

Quoi qu'il en sait, l'idée de ces trois sortes de justices seigneuriales fut empruntée des Romains, chez lesquels il y avait pareillement trois degrés de juridiction, savoir le merum imperium ou jus gladii qui revient à la haute justice ; le mixtum imperium que l'on interprête par moyenne justice, et le droit de justice appelé simplex juridictio qui revient à peu près à la basse justice.

Il ne faut cependant pas mesurer le pouvoir de ces trois sortes de justices seigneuriales sur les trois degrés de juridiction que l'on distinguait chez les Romains ; car le magistrat qui avait le merum imperium, connaissait de toutes sortes d'affaires civiles et criminelles, et même sans appel ; au lieu que parmi nous le pouvoir du haut-justicier est limité à certaines affaires.

Le juge du seigneur haut-justicier connait en matière civîle de toutes causes, de celles personnelles et mixtes entre ses sujets, ou lorsque le défendeur est son sujet.

Il a droit de créer et donner des tuteurs et curateurs, gardiens, d'émanciper, d'apposer les scellés, de faire inventaire, de faire les decrets des biens situés dans son détroit.

Il connait des causes d'entre le seigneur et ses sujets, pour ce qui concerne les domaines, droits, et revenus ordinaires et casuels de la seigneurie, même les baux de ces biens et droits. Mais il ne peut connaître des autres causes où le seigneur a intérêt, comme pour billets et obligations, ou réparation d'injures.

Il y a encore d'autres causes dont le juge haut justicier ne peut connaître, et qui sont réservées au juge royal ; telles sont celles qui concernent le domaine du roi, ou dans lesquelles le roi a intérêt, celles qui regardent les officiers royaux, et de ceux qui ont droit de committimus, lorsqu'ils veulent s'en servir, celles des églises cathédrales, et autres privilégiées et de fondation royale.

Il ne peut pareillement connaître des dixmes, à-moins qu'elles ne soient inféodées et tenues en fief du seigneur haut-justicier ; le juge royal a même la prévention.

Il ne peut encore connaître des fiefs, soit entre nobles ou entre roturiers, ni des complaintes en matière bénéficiale.

Anciennement il ne pouvait pas connaître des causes des nobles, mais la dernière jurisprudence parait les autoriser.

Suivant l'ordonnance de 1667, titre 17. les jugements définitifs donnés dans les matières sommaires, dans les justices des duchés, pairies et autres, ressortissent sans moyen au parlement, nonobstant opposition ou appelation, et sans y préjudicier, quand les condamnations ne sont que de quarante livres, et pour les autres justices qui ne ressortissent pas nuement au parlement, quand la condamnation n'est que de 25 livres.

En matière criminelle, le juge du seigneur haut justicier connait de toutes sortes de délits commis dans sa justice, pourvu que ce soit par des gens domiciliés, et non par des vagabonds, et à l'exception des cas royaux, tels que le crime de lesse-majesté, fausse monnaie, assemblées illicites, vols, et assassinats sur les grands chemins, et autres crimes exceptés par l'ordonnance de 1670.

Il peut condamner à toutes sortes de peines afflictives, même à mort ; et en conséquence, il doit avoir des prisons sures et un geolier, et il a droit d'avoir des fourches patibulaires, piloris, échelles et poteaux à mettre carcan ; mais les sentences qui condamnent à peine afflictive, ne peuvent être mises à exécution, soit que l'accusé s'en plaigne ou non, qu'elles n'aient été confirmées par le parlement.

L'appel des sentences du haut justicier en matière civile, doit être porté devant le juge de seigneur superieur, s'il en a un, sinon au bailliage royal ; les appels comme de juge incompétent et deni de renvoi, et ceux des jugements en matière criminelle, sont portés au parlement omisso medio.

Le juge haut-justicier exerce aussi la police et la voirie.

Le seigneur haut-justicier jouit à cause de sa justice de plusieurs droits, savoir de la confiscation des meubles et immeubles qui sont en sa justice, excepté pour les crimes de lesse-majesté et de fausse-monnaie ; il a pareillement les deshérences et biens vacans, les épaves ; il a la moitié des trésors cachés d'ancienneté, lorsque celui qui les découvre est propriétaire du fonds où ils sont trouvés, et le tiers lorsque le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui.

La moyenne justice connait comme la haute de toutes les causes réelles, personnelles et mixtes, et des droits et devoirs dû. au seigneur, avec pouvoir de condamner les sujets en l'amende portée par la coutume ; mais on ne peut pas y faire d'adjudication par decret.

Elle a la police des chemins et voiries publiques, et l'inspection des poids et mesures ; elle peut faire mesurage et bornage, faire élire des messiers, condamner en l'amende dû. pour le cens non payé.

A l'égard des matières criminelles, les coutumes ne sont pas uniformes par rapport au pouvoir qu'elles donnent au moyen-justicier.

Plusieurs coutumes lui donnent seulement le pouvoir de connaître des délits légers dont l'amende n'excède pas 60 sols parisis ; il peut néanmoins faire prendre tous délinquans qui se trouvent dans son territoire, les emprisonner, informer, tenir le prisonnier l'espace de 24 heures ; après quoi si le crime mérite plus grieve punition que 60 sols parisis d'amende, il doit faire conduire le prisonnier dans les prisons du haut justicier, et y faire porter le procès pour y être pourvu.

D'autres coutumes, telles que celles de Picardie et de Flandres, attribuent au moyen justicier la connaissance des batteries qui vont jusqu'à effusion de sang, pourvu que ce ne soit pas de guet-à-pens, et la punition du larcin non capital.

D'autres encore attribuent au moyen-justicier la connaissance de tous les délits qui n'emportent pas peine de mort, ni mutilation de membres.

Enfin, celles d'Anjou, Touraine et Maine, lui attribuent la connaissance du larcin, même capital, et de l'homicide, pourvu que ce ne soit pas de guet-à-pens.

Ces différences proviennent ou des concessions plus ou moins étendues, faites soit par le roi, ou par les seigneurs dont les petites justices relevaient immédiatement, ou de ce que les seigneurs inférieurs ont été plus ou moins entreprenans, et de la possession qu'ils ont acquise.

La basse justice qu'on appelle aussi en quelques endroits justice foncière, ou censuelle, connait des droits dû. aux seigneurs, tels que cens et rentes, et de l'amende, du cens non payé, exhibition de contrats, lods et ventes.

Elle connait aussi de toutes matières personnelles entre les sujets du seigneur jusqu'à 50 sols parisis.

Elle exerce la police dans son territoire, et connait des dégats commis par des animaux, des injures légères, et autres délits, dont l'amende ne pourrait être que dix sols parisis et au-dessous.

Lorsque le délit requiert une amende plus forte, le bas-justicier doit en avertir le haut-justicier ; auquel cas le premier prend sur l'amende qui est adjugée par le haut-justicier la somme de six s. parisis.

Le juge bas-justicier peut faire arrêter tous les délinquans ; et pour cet effet, il doit avoir sergent et prison, à la charge aussi-tôt après la capture, de faire mener le prisonnier au haut-justicier avec l'information, sans pouvoir decréter.

Le bas justicier peut faire mesurage et bornage entre ses sujets de leur consentement.

En quelques pays il y a deux sortes de basse justice ; l'une foncière ou censuelle, qui est attachée de droit à tout fief, et qui ne connait que des droits du seigneur ; l'autre personnelle, qui connait de toutes les matières dont la connaissance appartient communément aux bas-justiciers.

L'origine de la plupart des justices seigneuriales est si ancienne, que la plupart des seigneurs n'ont point le titre primitif de concession, soit que leur justice soit dérivée du commandement militaire qu'avaient leurs prédécesseurs, soit que ceux-ci l'aient usurpée dans des temps de trouble et de révolution.

Quoi qu'il en soit des justices qui sont établies, elles sont toutes censées émanées du roi, et lui seul peut en concéder de nouvelles, ou les réunir ou démembrer ; lui seul pareillement peut y créer de nouveaux offices.

Les justices seigneuriales sont devenues patrimoniales en même temps que les bénéfices ont été transformés en fiefs, et rendus héréditaires.

Une même justice peut s'étendre sur plusieurs fiefs qui n'appartiennent pas à celui qui a la justice, mais il n'y a point de justice seigneuriale qui ne soit attachée à un fief, et elle ne peut être vendue ni aliénée sans ce fief.

Anciennement les seigneurs rendaient eux-mêmes la justice ; cela était encore commun vers le milieu du XIIe siècle. Les abbés la rendaient aussi en personne avec leurs religieux ; c'est pourquoi ils ne connaissaient pas des grands crimes, tels que le duel, l'adultère, l'incendie, trahison, et homicide ; mais depuis on a obligé tous les seigneurs de commettre des juges pour rendre la justice en leur nom.

Il n'est pas nécessaire que les juges de seigneurs soient gradués, il suffit qu'ils aient d'ailleurs les autres qualités nécessaires.

Ces juges sont commis par le seigneur, et prêtent serment entre ses mains ; ils sont révocables ad nutum, mais ils ne peuvent être destitués comme elogio, sans cause légitime ; et s'ils ont été pourvus à titre onéreux, ou pour récompense de services réels, ils doivent être indemnisés.

Dans les simples justices non qualifiées il n'y a ordinairement qu'un seul juge ; il ne peut pas avoir de lieutenant, que le seigneur ne soit autorisé par lettres-patentes à en commettre un.

En l'absence du juge c'est le plus ancien praticien qui tient le siège.

Dans les affaires criminelles les juges de seigneurs sont obligés d'appeler deux gradués pour juger conjointement avec eux ; s'il y a deux juges officiers du siège, il suffit d'appeler un gradué.

Le seigneur plaide dans la justice par le ministère de son procureur-fiscal ou procureur d'office, lequel fait aussi toutes les fonctions du ministère public dans les autres affaires civiles et criminelles ; mais sur l'appel des sentences où le seigneur est intéressé, c'est le seigneur lui-même qui plaide en son nom.

Les juges de seigneurs ont un sceau pour sceller leurs sentences ; ils ont aussi des sergens pour les mettre à exécution, et pour faire les autres exploits de justice.

Les seigneurs même hauts justiciers, n'ont pas tous droits de notariat et tabellionage, cela dépend des titres ou de la possession ou de la coutume.

Les justices des duchés et comtés-pairies, et autres grandes terres titrées, ne sont que des justices seigneuriales, de même que les simples justices. Les pairies ont seulement la prérogative de ressortir nuement au parlement ; les juges de ces justices pairies prennent le titre de lieutenant-général, et en quelques endroits ils ont un lieutenant particulier.

Dans les châtellenies les juges sont nommés châtelains, dans les simples justices, prevôts ou baillifs ; dans les basses justices, ils ne doivent avoir que le titre de maire, mais tout cela dépend beaucoup de l'usage. Voyez Loiseau, des seigneuries, chap. iv. et suiv. Bacquet, des droits de justice, et PAIRIE, SEIGNEUR. (A)

JUSTICE SOMMAIRE, est celle qui ne s'étend qu'à des affaires légères, et dont l'instruction se fait brièvement et en forme sommaire. Elle revient à celle des juges pedanées du droit, dont la justice était sommaire, c'est-à-dire s'exerçait seulement per annotationem, suivant ce que dit la novelle 82, chap. Ve pour plus de briéveté et de célérité, à la différence de la justice ordinaire qui se rendait plus solennellement, et per plenam cognitionem ; la juridiction des défenseurs des cités était aussi une justice sommaire.

En France la justice des bas-justiciers est sommaire dans son objet et dans sa forme.

L'article 153. de l'ordonnance de Blais, veut que tous juges soient tenus d'expédier sommairement et sur le champ les causes personnelles non excédentes la valeur de trois écus un tiers, sans appointer les parties à écrire ni à informer.

Les juridictions des maitrises particulières, connétablies, élections, greniers à sel, traites foraines, conservations des privilèges des foires, les consuls, les justices et maisons-de-ville, et autres juridictions inférieures, sont toutes justices sommaires : 24 heures après l'échéance de l'assignation, les parties peuvent être ouies en l'audience, et jugées sur le champ, sans qu'elles soient obligées de se servir du ministère des procureurs. Voyez l'ordonnance de 1667, tit. 14. article 14. et 15.

Dans tous les tribunaux les matières sommaires, c'est-à-dire légères, se jugent aussi plus sommairement que les autres. Voyez MATIERES SOMMAIRES. Voyez aussi l'édit portant établissement des consuls, de l'an 1563, et l'édit de 1577, pour les bourgeois policiers, et autres édits concernans les villes. (A)

JUSTICE SOUVERAINE, est celle qui est rendue par le souverain même, ou en son nom, par ceux qui sont à cet effet dépositaires de son autorité souveraine, tels que les parlements, conseils supérieurs, et autres cours souveraines. Voyez COURS, JUGES EN DERNIER RESSORT, PARLEMENT. (A)

JUSTICE SUBALTERNE, se prend quelquefois en général pour toute justice qui est subordonnée à une autre ; mais dans le sens le plus ordinaire, on entend par-là une justice seigneuriale. (A)

JUSTICE SUPERIEURE, signifie en général toute justice préposée sur une autre justice qui lui est subordonnée, à l'effet de réformer ses jugements lorsqu'il y a lieu. Ainsi les bailliages et sénéchaussées sont des justices supérieures par rapport aux prévôtés ; mais par le terme de justices supérieures, on entend ordinairement les juridictions souveraines, tels que les cours et conseils supérieurs. (A)

JUSTICE TEMPORELLE, ou DU TEMPOREL, est une justice seigneuriale appartenant à quelque prélat ou autre ecclésiastique, chapitre, ou communauté, et attachée à quelque fief dépendant de leurs bénéfices.

Ces sortes de justices temporelles sont exercées par des officiers séculiers, et ne connaissent point des matières ecclésiastiques, mais seulement des affaires de la même nature que celles dont connaissent les justices seigneuriales appartenantes à des seigneurs laïcs.

On ne suit pas en France le chapitre quod clericis extra de foro competenti, qui veut que dans ces juridictions temporelles on juge les causes suivant le droit canon, à l'exclusion des coutumes des lieux ; on y suit au contraire les ordonnances de nos rois et les coutumes des lieux.

L'appel des sentences de ces sortes de juridictions se relève pardevant les juges royaux, de même qu'il s'observe pour les autres justices seigneuriales, à quoi est conforme le chap. si duobus §. ult. extra de appelationibus ; quoique le contraire soit pratiqué dans la plupart des autres états chrétiens, suivant le chap. Romana §. debet autem de appelat. in sexto, qui n'est point observé en France, comme il est noté en la glose de ce chapitre, et que l'auteur du speculum l'a remarqué, tit. de appelat. §. nunc tractemus, nonobstant que ce dernier texte ait été fait pour la France, étant adressé à l'archevêque de Rheims. Voyez Loyseau, tr. des seigneuries, chap. XVe n. 33. et suiv. (A)

JUSTICE VICOMTIERE, dans quelques coutumes, comme en Artais et en Picardie, est la moyenne justice qui appartient de droit à tout seigneur dès qu'il a un homme de fief, c'est-à-dire qu'il a un fief dans sa mouvance.

Elle a été ainsi appelée, parce que les vicomtes dans leur première institution n'avaient que la moyenne justice.

Il appartient à la justice vicomtière de connaître de toutes actions pures, personnelles, civiles ; le vicomtier peut aussi donner poids et mesures, tuteurs et curateurs : faire inventaire ; il a la police et la voirie. Voyez l'annotateur de la coutume d'Artais, sur l'article 5. et art. 16. les anciennes coutumes de Beauquesne, art. 1. 2. 3. et 4. Montreuil, art. 18. 19. 21. 29. 40. 41. Amiens, 114. S. Riquier, art. 5. Saint Omer, art. 10.

En Normandie, les vicomtes sont les juges des roturiers. Voyez VICOMTES. (A)

JUSTICE DE VILLE, est la même chose que justice municipale. Voyez ci-devant JUGE MUNICIPAL et JUSTICE MUNICIPALE. (A)

JUSTICE VOLONTAIRE, voyez ci-devant JURISDICTION VOLONTAIRE.

JUSTICE (chambre de) Finances. Vous trouverez au mot CHAMBRE de justice, les dates des diverses érections de ces sortes de tribunaux établis en France depuis 1581 jusqu'en 1717, pour la recherche des traitants qui ont malversé dans leurs emplois. C'est assez de remarquer ici, d'après un citoyen éclairé sur cette matière, l'auteur des considérat. sur les finances, 1758, 2 vol. in -4°. que les chambres de justice n'ont jamais procuré de grands avantages à l'état, et qu'on les a toujours Ve se terminer par de très-petits profits pour le roi.

Lorsqu'en 1665, on mit fin aux poursuites de la chambre de justice, en accordant une abolition aux coupables, il ne leur en couta que le payement de quelques taxes. Néanmoins on découvrit pour 384 millions 782 mille 512 livres de fausses ordonnances du comptant ; mais la faveur, les requêtes, les importunités étayées par de l'argent, effacèrent le délit, et l'effaceront toujours.

D'ailleurs l'établissement des chambres de justice peut devenir dangereux lorsqu'il n'est pas utile, et les circonstances en ont presque toujours énervé l'utilité : le luxe que produit cette énorme inégalité des fortunes rapides, la cupidité que ce luxe vicieux allume dans les cœurs, présentent à la fois des motifs pour créer des chambres de justice, et des causes qui en font perdre tout le fruit. Les partisans abusent du malheur public, au point qu'ils se trouvent à la fin créanciers de l'état pour des sommes immenses, sur des titres tantôt surpris, tantôt chimériques, ou en vertu de traités dont la lésion est manifeste : mais la corruption des hommes est telle, que jamais ces sortes de gens n'ont plus d'amis et de protecteurs que dans les temps de nécessité, et pour lors il n'est pas possible aux ministres de fermer l'oreille à toutes les espèces de sollicitations.

Cependant il importerait beaucoup d'abolir une fois efficacement les profits excessifs de ceux qui manient les finances ; parce qu'outre que de si grands profits, dit l'édit du roi de 1716, sont les dépouilles des provinces, la substance des peuples, et le patrimoine de l'état, il est certain qu'ils sont la source d'un exemple ruineux pour la noblesse, et pour toutes les autres conditions.

En effet, tout luxe dans ce royaume procédant de cette cause, loin d'exciter l'émulation et l'industrie entre les citoyens, ne fait que les arracher aux autres professions qu'ils pourraient embrasser, et les corrompre perpétuellement. Il leur inspire une avidité d'autant plus funeste, qu'en devenant générale, elle se dérobe pour ainsi dire, à la honte. Les meilleures maisons ruinées par les efforts insensés qu'elles font, pour atteindre le faste des financiers, n'ont plus de ressources que dans des alliances honteuses avec eux, et très-dangereuses par le puissant crédit qu'elles portent dans ces sortes de familles. (D.J.)